samedi 19 décembre 2009

Transformation ou arrachement?


Nous avons une représentation totalement erronée du déroulement de la vie, une représentation qui souvent nous terrorise. Par exemple, la mort est perçue comme s’opposant totalement à la vie ; la vieillesse comme survenant brutalement dans un corps jeune ; la maladie comme une effraction passagère ou définitive dans un corps en pleine santé.
La réalité est toute autre, faite d’incessantes transformations, de passages d’un état à un autre, dans un processus lent, régulier et continu. Nous avons perdu de vue que sous l’apparente solidité de l’organisme vivant se cache une réalité mouvante. A l’échelle macroscopique, notre corps semble solide et stable, ne se transformant que très lentement au fil des années.
Cependant le corps ressemble en fait bien plus à une rivière qu’à un objet figé dans le temps et l’espace. Si l’on pouvait voir le corps dans sa réalité profonde, on ne l’observerait jamais deux fois de suite dans les mêmes conditions puisque 98% des atomes de l’organisme étaient absents un an auparavant et que le squelette qui semble si solide n’était pas le même trois mois plus tôt. La configuration des cellules osseuses demeurent plus ou moins constantes mais des atomes différents passent et repassent en toutes liberté au travers des parois cellulaires, ce qui explique qu’un nouveau squelette se forme tous les 3 mois. La peau elle, se renouvelle tous les mois, la paroi de l’estomac change tous les quatre jours et les cellules superficielles, qui sont en contact avec les aliments, se renouvellent toutes les cinq minutes. De même, le corps humain semble séparé de tout ce qui l’entoure et ne semble être influencé que modestement par l’environnement au quotidien, mais à travers les processus de respiration, de digestion, d’élimination, il se produit une relation d’échanges constante. Et une mémoire de la forme, permet de diriger ces changements de manière que le corps ne s’effondre pas comme une simple pile de briques.
Ainsi loin d’être un simple objet, un organisme vivant est un véritable vortex énergétique. Se transformant à chaque instant, s’adaptant en permanence, notre corps que nous semblons retrouver identique chaque matin ne se ressemble jamais. Et la situation est pire avec notre esprit. Notre cerveau qui nous permet de nous reconnaître ne cesse de nous raconter notre histoire pour nous rappeler qui nous sommes et trouver un lien d’instant en instant avec celui que nous fûmes et qui déjà n’est plus. Ce travail d’historisation de notre vie nous berce d’illusions sur notre existence et nous leurre sur notre sentiment de permanence. A chaque rencontre nous nous transformons. Nous ne sommes qu’un bout à bout de rencontres, un patchwork de pensées et de modèles des gens que nous avons un jour aimés, même de manière fugace.
Si nous intégrons la transformation incessante de notre corps, de notre être, en harmonie complète avec la danse de l’univers, alors il n’y a au final aucune perte, aucun arrachement véritable, exceptée la perte des représentations mentales. Au lieu de nous replier sur nos possessions éphémères et envers et contre tout s’amarrer désespérément à elles pour ne pas les perdre, il serait judicieux de porter attention à ce qui se transforme et accueillir ce qui est nouveau, ce qui surgit de nous en permanence.
La transformation n’est pas une perte, c’est un processus de vie naturel qui offre ses fruits à chaque étape.

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