vendredi 25 décembre 2009

La mobilité confisquée


A une époque où même les gens du voyage sont contraints de se sédentariser, où notre société ne laisse plus aucun espace pour la mobilité, l'encadre pour la fixer lui ôtant sa part de magie et son souffle de liberté, paradoxalement la mobilité est prônée comme une valeur forte de notre civilisation. Mais une mobilité professionnelle, encadrée par une stratégie économique. Non pas une mobilité psychique régie par son ressenti. Celle-ci nous est confisquée, en nous projetant constamment hors de nous-mêmes à la recherche d’un bonheur qui ressemble de plus en plus à une quête effrénée d’une sécurité qui toujours nous échappe. Comme tout ce qui nous est retiré au profit de l'idéologie sécuritaire, les valeurs perdues par l'être humain nous sont montrées à portée de portefeuille à travers les objets (la mobilité se retrouve dans le téléphone, l'ordinateur...).
Un travail de fond désinvestit l'être humain, devenu alors être de manque au profit d'objets divinisés porteurs du sens de notre existence, voie royale vers le bonheur.
Comment sommes-nous passés en un peu plus d'un siècle du rêve à l'objet, dans la voie royale qui mène à l'inconscient ? Car ne nous-y trompons pas, la mobilité qui nous est retirée n'est pas seulement physique. Bien sûr aujourd'hui faire les choses soi-même devient un luxe: ouverture automatique des portes, lave-vaisselle, micro-onde, sociétés de multiservices sont là, à tous les étages pour faire à notre place. Bien sûr la libre circulation des biens et des marchandises n'est pas remise en cause alors que l’on a pensé à mettre en place des contrôles d'ADN pour empêcher les regroupements familiaux. Bien sûr la mobilité professionnelle n'est que rarement laissée à l'initiative de l'employé. Mais la mobilité psychique, celle qui nous permet de créer, de penser, peu à peu se fige. La encore le paradoxe est surprenant: ce monde du zapping et du divertissement ne nous laisse plus le temps de nous penser et d'advenir. Plus les objets bougent et communiquent entre eux, plus l'être humain se fige dans sa pensée et sa solitude. Moins d'entrain pour découvrir des mondes nouveaux: partout le même village, la même musique, les mêmes fruits.
Et pourtant la vie nous réserve un paradoxe colossal : au sein même de nos contraintes, de notre fixité, se trouve une porte, une ouverture ou plutôt une brèche. Au sein même de la réalité, figurent des mondes cachés, lumineux, vastes et encore inexplorés. La difficulté, c'est que cette porte ne se trouve pas physiquement dans une embrasure, ni cachée dans des murs, ni au sol, recouverte d'un tapis de bruyère.
Non, elle se trouve dans notre cerveau, à la jonction des signaux électriques et des représentations mentales. Là où se crée le monde! Nous avons oublié que la réalité perçue n'est qu'une représentation personnelle du réel existant. Ce monde si écrasant nous en possédons la clé. Cette réalité durcie qui nous entoure nous pouvons la fabriquer aussi et autrement. La prise de pouvoir ne passera plus par une idéologie ou une révolution à l'échelle d'un pays, mais naîtra de ce sentiment intime qu'au plus fort de l'écrasement, l'être humain dans sa singularité peut changer la réalité existante et être co-créateur du monde dans lequel il évolue. Si nous arrivions à percevoir ce qu'est le réel dans sa mouvance, son vide, son infinie variété et son incessante transformation au lieu de nous heurter constamment à ce monde massif, définitif!
Nous nous heurtons au mur et nous disons: ce monde est infranchissable! Arriver à penser qu'il y a encore si peu de temps ce mur n'existait pas, il est seulement la création de la pensée et de la main de l'homme. Une pensée différente et nos mains plutôt qu'élever des murs oseraient la rencontre.

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